La Lutte contre la Pauvreté


« Éradiquer la misère ». Voilà le grand objectif du mandat de Dilma Rousseff, annoncé en grande pompe par la Présidente lors de son discours d’investiture le 1er Janvier 2011. Un objectif qui de l’extérieur pourrait surprendre alors que le Brésil a récemment pris la 7ème place des PIB mondiaux à l’Italie, et que l’on ne cesse de vanter sa croissance économique. Mais si personne ne peut nier cet essor sans précédent, il faut aussi garder à l’esprit que Brésil reste l’un des pays où les inégalités de revenus sont parmi les plus élevées du globe.

En effet, même si les avancées récentes en la matière sont notables (11 millions de personnes ont atteint la sécurité alimentaire depuis 2003), les lacunes, les disparités géographiques et les inégalités sociales sont encore considérables dans ce pays de 192 millions d’habitants où vivaient encore en 2009 environ 47 millions de pauvres et 13 millions d’indigents[1]. Cet état de fait, déplorable pour un pays qui cherche à accéder au statut flou de « nation développée », l’Etat brésilien et sa nouvelle représentante ont donc promis d’y remédier. Confirmant en cela la conception hautement interventionniste de l’Etat brésilien, en vigueur depuis le milieu des années 1990 et le « Plan Réal » du Président Fernando Henrique Cardoso.

Une récente enquête de l’Institut Brésilien de Géographie et de Statistiques (IBGE) confirme l’urgence de la situation en montrant que 16,2 millions de brésiliens (soit 8,5% de la population totale) vivent aujourd’hui avec un revenu mensuel inférieur à 70 réals (30 euros). Le rapport, qui localise 9,6 millions d’entre-eux dans région Nordeste, précise aussi que 4,2 millions de brésiliens n’ont même aucun revenu[2].

Ce rapport plutôt alarmant allait servir de rampe de lancement, au « nouveau » programme de Dilma Rousseff de lutte contre la pauvreté intitulé « Brasil sem miseria » (Brésil sans misère). En présentant son plan début juin, la Présidente déclarait :  » La lutte contre la pauvreté est devenu un devoir de l’Etat et une tâche pour tous les Brésiliens. Nous ne pouvons oublier que le défi le plus difficile à surmonter, le plus angoissant des problème de ce pays est de connaître une pauvreté chronique et bien installée ». Un objectif assez ambitieux donc, mais pour lequel, une fois de plus, Dilma Rousseff allait pouvoir compter sur l’héritage de son prédécesseur, Luis Ínacio Lula da Silva.

On a effectivement loué le Président Lula (2003-2010) pour son bilan dans la lutte contre la pauvreté. Son programme « Fome Zero » (Zéro Faim, dont le maître d’oeuvre, José Graziano da Silva, vient d’être nommé à la tête de FAO (l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture)), incarné par la célèbre « Bolsa Familia » (Bourse Famille), aurait largement contribué au fait que durant les 8 ans de sa présidence, près de 30 millions de brésiliens aient franchis le seuil de pauvreté. Bolsa Familia est un programme de transfert monétaire conditionnel, orienté vers les plus démunis. Il permet ainsi aux familles dont le revenu mensuel ne dépasse pas les 140 réals (60 euros), de toucher un complément de revenu qui selon la situation de la famille oscillera entre 32 et 242 réals (14 et 105 euros). En contrepartie, les familles s’engagent à scolariser leurs enfants et à maintenir leur livret de vaccins à jour. En 2011, environ 13 millions de foyer brésiliens bénéficient de la Bolsa Familia.

Ainsi, le programme « Brasil sem miseria » de Dilma Rousseff, aura pour but principal d’étendre la Bolsa Familia a davantage de familles brésiliennes (800.000 foyers supplémentaires d’ici fin 2013), notamment aux plus indigentes. Il se donnera également pour objectif d’améliorer l’accès des populations isolées aux services publics; il favorisera le microcrédit; et créera une « Bolsa Verde » (Bourse Verte) visant à aider les 30 millions de Brésiliens qui vivent en milieu rural et dont le quart se trouve en situation d’extrême pauvreté.

La lutte contre la pauvreté apparait donc bien comme un enjeux majeur du Brésil du XXIème siècle. D’une part, ce pays sera une véritable vitrine pour le monde en accueillant prochainement les deux évènements sportifs mondiaux les plus médiatiques (Coupe du Monde 2014, puis Jeux Olympiques à Rio en 2016), et l’on peut donc comprendre qu’il cherche  à se débarrasser de cette encombrante étiquette de « pays le plus inégal du monde industrialisé ». Mais d’autre part, et cela est certainement plus fondamental encore, lutter contre la pauvreté signifie au Brésil, élargir son marché intérieur en permettant à celui qui était « pauvre » de devenir « consommateur ».

Ce fut la clé du succès économique du gouvernement Lula et Dilma Rousseff, sa plus fidèle disciple en a pleinement conscience. On ne change pas une équipe qui gagne.

E.M.


[1] CEPAL, Panorama Social de America Latina 2010, Capitulo 1 : Pobreza, Desigualdad y ciclo de vida. 2010.

[2] IBGE, Mai 2011 sur http://www.ibge.gov.br/.

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